Renforcer nos chaînes de valeur

Une vraie politique industrielle basée sur les chaînes de valeur

Une large réindustrialisation de la Wallonie est une nécessité à de nombreux égards. En effet, l’industrie joue un rôle clé dans les activités de R&DI, dans les gains de productivité ou encore dans le commerce extérieur . Fort logiquement, une politique industrielle régionale ambitieuse est le fondement de cette nécessaire réindustrialisation.

Dans ce cadre, le concept de « chaine de valeur » doit s’entendre dans son intégralité : de l’innovation à la production, et jusqu’à la logistique. En effet, si un soutien franc de la capacité de recherche et d’innovation de nos entreprises est assurément primordial pour leur permettre de développer des produits et services à haute valeur ajoutée, il est tout aussi fondamental de soutenir le développement des capacités de production afin de leur garantir un ancrage à long terme en Wallonie.

Pour cela, il est notamment nécessaire de s’assurer que la Wallonie disposera des ressources énergétiques suffisantes pour toutes les activités à relocaliser.

Court terme

  1. Adopter une politique industrielle ambitieuse et intégrant l’ensemble des éléments des chaines de valeurs : de la R&DI à la production, jusqu’à l’exportation des produits et services. Cette stratégie transversale devra intégrer les différents leviers régionaux afin d’en assurer la cohérence et de maximiser les synergies (soutien à la recherche, à l’innovation, à la formation, fiscalité, environnement…) et proposera un policy-mix cohérent et porteur.
  2. Lier cette politique industrielle avec les autres initiatives dont la stratégie régionale pour l’économie circulaire, la (re)localisation d’activités stratégiques, les stratégies en matière d'éducation, de formation et de sourcing de talents, et les projets relatifs à l'optimisation d'une logistique multimodale (route, aérien, fluvial et rail).
  3. Intégrer, dans le cadre de cette stratégie, les objectifs sociétaux poursuivis par la Wallonie et détaillés dans la DPR. Ces défis doivent être pensés comme des opportunités pour les entreprises qui sauront développer des activités (produits, services, procédés) à même d’y apporter des réponses positives.

Moyen terme

  1. Assurer un cadre attractif et compétitif aux entrepreneurs et aux investisseurs de Wallonie, tant au niveau de la qualité de ses écosystèmes que des soutiens financiers publics, mais également de la fiscalité, de la maîtrise des coûts de l’énergie, de l’instruction constructive et fluide des permis, de la transposition adéquate des directives européennes, de la qualification de la main-d’œuvre, de la qualité de l’enseignement, du dialogue social…
  2. Assurer une analyse continue, globale et harmonisée des chaines de valeurs régionales, afin de proposer aux autorités des constats précis et des recommandations concrètes en adéquation avec les réalités régionales. Ceci permettra en outre d'identifier de manière précise les lignes de force de l’économie régionale ainsi que les maillons à renforcer.
  3. Assurer et diffuser une veille des changements des politiques d’aides et de soutien à l’économie dans les pays limitrophes, en particulier quand elles risquent de mettre à mal les avantages comparatifs belges/wallons sur l’innovation. Cette mesure pourrait être prise en charge par le « Bureau régional du Plan ».

Optimiser la gestion des risques au sein des entreprises

La crise du coronavirus a mis en évidence l’importance de réduire au maximum le risque d’approvisionnement (plus que les coûts) auprès des différents fournisseurs. La crise a également fait apparaitre le besoin d’agilité et de créativité au niveau de la gestion des ressources humaines ainsi que le besoin d’échange de bonnes pratiques entre industriels.

Au-delà de la question des chaines de valeurs, il semble qu’un des principaux facteurs de résilience soit lié à la qualité du management des entreprises tant vers l’interne, pour impliquer les travailleurs, que vers l’externe, pour négocier les adaptations de contrats avec les clients et les fournisseurs.

Court terme

  1. Diffuser la culture et les outils numériques, singulièrement au sein des PME et des entreprises industrielles « traditionnelles», afin de collecter et suivre les données nécessaires à la gestion des risques.
  2. Diffuser la culture et les outils d’une analyse plus globale des risques et des opportunités.
  3. Communiquer sur les succès de « perles wallonnes » jusqu'ici peu connues, afin de contribuer au dessin de la toile industrielle wallonne.

Moyen terme

  1. Renforcer la communication (et les précautions) par rapport aux effets collatéraux des tensions économiques internationales auprès de toutes les entreprises actives directement ou indirectement sur les territoires.
  2. Valoriser, encourager et capitaliser sur l’"agilité" des entreprises, mise en évidence au plus fort de la crise, lorsque celles-ci (petites et grandes) ont adapté/transformé leur modèle d'innovation et de production pour offrir une réponse immédiate et temporaire aux besoins créés par cette crise.
  3. Favoriser l’adoption par les entreprises d’approches réactives aux besoins changeants du marché, basé sur les capacités technologiques et d'innovation (en opposition au modèle traditionnel davantage basé sur l’offre). Un « Bureau régional du Plan » pourrait venir en soutien d’une telle mesure.

Long terme

  1. Mettre en adéquation l’écosystème wallon afin de renforcer la capacité de résilience des entreprises et en faire un facteur d’attraction pour les partenaires/investisseurs étrangers.
  2. Favoriser le partage d’outils de production (par exemple des imprimantes 3D) voire de ressources humaines (par exemple informaticiens) entre entreprises ou via des groupements d’entreprises.
  3. Pour l’aspect « produits et services », une base de données des productions et services disponibles en Wallonie devrait être développée pour ce faire (base de données « procurement »).

Intégrer les enjeux politiques au niveau supra wallon

La mobilisation économique et politique de voisins de grande taille tels que les Français et les Allemands, et les effets collatéraux des tensions entre les États-Unis et la Chine, ont révélé le besoin de trouver des appuis politiques pour défendre les intérêts de la Wallonie. Ces appuis sont manifestement à trouver dans une forte concertation au niveau de la Belgique fédérale afin de pouvoir peser davantage au niveau européen. En outre, il faut que la Région prenne pied de manière plus affirmée dans les cénacles qui imaginent et organisent les grands projets européens pour connaitre le plus tôt possible les orientations.

Court terme

  1. Promouvoir les initiatives qui mettent en avant la Wallonie plus que les sous-régions, en développant notamment des axes de partenariats au niveau régional.
  2. Intégrer dans la stratégie économique et industrielle régionale le fait que les grands pays européens, au travers de leurs plans de soutien massifs à leur économie et à leur transition climatique, peuvent placer la Wallonie dans une position concurrentielle délicate en termes d’attractivité. À cet égard, le soutien régional à la R&DI, à la production, à l’investissement, à la logistique et à l’exportation doit rester concurrentiel.
  3. Concevoir et opérationnaliser une stratégie régionale de comitologie afin d’intégrer la région dans les cénacles européens pertinents (ex : Green Deal, dans ses volets « innovation » comme dans ses volets « protectionnistes »). Ceci permettra d’intégrer, dans une certaine mesure, les priorités régionales dans les décisions européennes, et à tout le moins de faire percoler l’information relative aux décisions vers les acteurs régionaux dans de meilleurs délais.
  4. S’assurer d’une bonne représentation industrielle et privée. Ceci permettra de mieux diffuser les stratégies imaginées et mises en œuvre par l’Europe pour soutenir les entreprises dans les dynamiques internationales.

Moyen terme

  1. Mieux placer la Wallonie dans les matières fédérales (souvent pilotées par la Flandre, en apparence au moins), y compris dans la diplomatie, travailler à une plus grande intégration/coordination interfédérale belge pour pouvoir peser au niveau européen. En effet, une partie importante des leviers de la politique industrielle ressortent du niveau fédéral (défense, aéronautique…). Il convient dès lors d’utiliser adéquatement le niveau fédéral (connu et reconnu à l'international davantage que la Région) pour défendre les intérêts régionaux à l'international.

Renforcer le maillage des chaines de valeur

Compte tenu de sa petite taille, la Wallonie ne pourra pas produire tous les éléments des chaines de valeur. Par ailleurs, il est acquis qu’une relocalisation massive des activités en Wallonie est illusoire, au-delà de certaines activités stratégiques ciblées.
Cependant, certains « trous » dans les chaines de valeurs pourraient être comblés, lorsque la région présente des avantages comparatifs, au travers de partenariats industriels nouveaux.

Moyen terme

  1. Pousser à la consolidation de petits acteurs pour amener des économies d’échelle.
  2. Réserver une partie de l’investissement régional wallon au soutien à la croissance exogène des PME par le biais d’acquisitions de produits ou plateformes technologiques, de fusions et acquisitions, de consolidations entre TPE régionales.
  3. Mettre en place une plateforme de dialogue permanente entre les autorités, l’industrie et les stakeholders sur les mesures à mettre en place pour réussir le redéploiement industriel de la Wallonie.
  4. Faire progresser les projets sur les aspects « Sales » et « Market Intelligence» au niveau international, par le biais de partenariats industriels avec des multinationales.

Orienter la Wallonie vers une approche duale combinant l’international et le local

Les événements récents, ainsi que les défis climatiques et environnementaux, montrent que la Wallonie doit penser sa relance à la fois via les chaines de valeur mondiales (en vue d’exporter davantage), ainsi que par le renforcement des partenariats entre acteurs économiques régionaux là où existe un potentiel de développement endogène (marchés publics, produits importés…).

Ainsi, il convient d’adopter une stratégie hybride favorisant à la fois l’émergence de circuits courts tout en renforçant la présence des entreprises wallonnes dans les chaines de valeur mondiales.

Court terme

  1. Favoriser les « circuits courts » dans le cadre des marchés publics (à qualité et performance équivalente) ainsi que dans les contrats privés.

Moyen terme

  1. Développer le réflexe régional dans le cadre des collaborations entre acteurs privés, quand cela est pertinent, afin de renforcer le développement économique local (cf. BD Procurement).
  2. Renforcer l’approche sectorielle de l’AWEX afin d’accompagner au mieux les démarches d’exportation des entreprises régionales.
  3. Renforcer les activités d’e-commerce des entreprises wallonnes en intégrant cet objectif aux missions de l’AWEX.
  4. Revoir par secteur (avec l’AWEX) la stratégie d’attraction d’investissements en Wallonie.